Dormir pour mieux apprendre : le rôle extraordinaire du sommeil sur l’apprentissage

Dormir pour mieux apprendre : le rôle extraordinaire du sommeil sur l’apprentissage

Les enfants dorment de moins en moins longtemps. Pourtant, les neurosciences sont formelles : le sommeil est le moment le plus précieux pour consolider ce qu’ils apprennent.

Morphée a morflé. En quinze ans, les enfants français de 5 et 6 ans ont perdu en moyenne « 15 à 20 minutes de sommeil par nuit », selon une étude des chercheurs des universités de Tours et d’Orléans dévoilée en 2017. Quant aux adolescents, un sur deux dormirait moins de sept heures, selon une autre enquête de la Fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs (FNEPE) publiée cette année. Face à cette dette de sommeil, les stimulations en tout genre sont souvent incriminées. Parmi elles, le temps passé devant les écrans : il faut dire que pour les petits Français de 3 ans, celui-ci est d’1h20 en moyenne. Et qu’à 5 ans, il dépasse 1h30.

Funeste nouvelle pour le marchand de sable… mais surtout pour le cerveau des jeunes. Car pour bien apprendre, il est indispensable de roupiller bien… et longtemps. C’est ce que nous rappelle Stanislas Dehaene, neuroscientifique et professeur au Collège de France, au micro de France Inter.

Le cerveau travaille plus pendant le sommeil que pendant la veille.
Stanislas Dehaene

Dormir ne nous protège pas seulement contre l’oubli : le repos joue un rôle véritablement actif et moteur dans l’apprentissage, car il permet de le “consolider”. Une étape-clé : après la phase d’encodage, qui consiste à enregistrer une information, c’est la consolidation qui va permettre l’ancrage de cette information dans la mémoire à long terme.

L’impact du sommeil sur les performances cognitives

Les nuits blanches de révision, qui ne les a jamais pratiquées étudiant ? Las, c’est bien la pire chose à faire pour se souvenir d’un cours ! Car c’est pendant le sommeil que le cerveau répète les apprentissages de la journée et les transfère de la mémoire à court terme vers la mémoire à long terme. Si l’on ne comprend pas encore totalement les mécanismes à l'œuvre, on sait qu’au niveau cérébral, la région de l’hippocampe est largement impliquée dans le processus.

Et ce dont les neurosciences sont certaines aujourd’hui, c’est que les performances d’apprentissage sont directement corrélées à la qualité et la quantité de sommeil. Les études sur la question sont légion, mais retenons un exemple : en 2006 puis en 2013, des neuroscientifiques ont utilisé différents types de stimulations (magnétique en 2006, sonore en 2013) pour augmenter la profondeur du sommeil d’individus qui devaient, au préalable, apprendre de nouveaux mots. Résultat : lorsque la profondeur de leur sommeil était augmentée, ces sujets parvenaient à retenir une plus grande quantité de mots.

Un effet décuplé chez les enfants

Encore plus surprenant : l’effet du sommeil sur l’apprentissage serait trois fois plus important chez les enfants que chez les adultes ! Dans une conférence donnée au Collège de France, Stanislas Dehaene cite l’étude de chercheurs allemands sur un groupe d’enfants de 8 à 11 ans et sur un groupe d’adultes. Dans les deux groupes, la mémorisation était testée à deux intervalles : après une journée de veille, puis après une nuit de sommeil. Or, l’amélioration de l’apprentissage grâce à la nuit de sommeil était beaucoup plus significative pour le groupe d’enfants que pour les adultes ! Ces résultats tiendraient au fait que les séquences de sommeil profond sont, chez les enfants, plus longues et plus intenses que chez les adultes.

Améliorer la qualité du sommeil

Durée et profondeur du sommeil ont donc un impact direct sur l’apprentissage. Et si l’on veut encore optimiser les choses, d’autres facteurs pourraient entrer en jeu : “Pour que le bénéfice soit maximal, il semble, dans certaines études, que le sommeil doive survenir dans les heures qui suivent l’apprentissage” (nuit de sommeil, sieste…), explique encore Stanislas Dehaene.  L’apprentissage doit être régulier (un peu tous les jours), et s’appuyer sur l’alternance entre la veille et le sommeil, affirme le chercheur.

Pourtant, ces besoins ne sont pas toujours pris en compte : une étude de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV) indique que plus de 40% des parents français sous-estiment la durée de sommeil nécessaire à leur enfant de moins de trois ans. Les professionnels de santé recommandent généralement :

  • De 1 à 2 ans : 11 à 14 heures de sommeil par jour
  • De 3 à 5 ans : 10 à 13 heures par jour
  • De 6 à 13 ans : 9 à 11 heures par jour

Et pour ne pas louper le train de l’endormissement, mieux vaut :

  • Veiller à la régularité des horaires de coucher, de lever et de siestes
  • Cela dit, un rappel utile : aller se coucher ne doit pas être une punition ni un moment conflictuel
  • Observer son enfant pour trouver l’heure de coucher qui lui convient le mieux
  • Mettre en place un rituel (pas trop long) pour le rassurer, et s’y tenir chaque jour. Par exemple : brossage de dent, histoire, petit massage dans le dos… et dodo !
  • Diminuer l’intensité de la lumière le soir pour activer la mélatonine (hormone du sommeil). À l’inverse, ouvrir grand les rideaux le matin !
  • Enfin, l’INSV recommande d’éteindre tous les écrans au moins une heure avant le coucher. Ne reste plus qu’à laisser la science des rêves opérer…
enfants bordés dans le lit

 

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