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Inné ou acquis : comment se développe l’empathie chez les petits ?

Inné ou acquis : comment se développe l’empathie chez les petits ?

Les bébés sont-ils des gremlins, des monstres d’égocentrisme sans foi ni loi ? Ou rayonnent-ils d’empathie et d’altruisme, tels des êtres de lumière ? Ni l’un ni l’autre mon capitaine ! On vous explique tout cela.

Jusqu’à présent, on pensait que l’être humain naissait mauvais, et qu’il fallait le dresser. Désormais, les chercheurs nous disent que l’enfant naît avec une capacité d’empathie, d’altruisme ; mais [que] cette capacité d’empathie sommeille en lui.” Lue au détour d’un article, cette phrase de la pédiatre Catherine Gueguen nous a interpellés : que disent vraiment les chercheurs de l’empathie chez les jeunes enfants ?

Si le développement de l’empathie agite aujourd’hui la science, c’est que l’on a désormais conscience de son importance. L’empathie se mange à toutes les sauces depuis quelques années. Au point qu’elle est souvent mise en avant comme une compétence, une “soft skill” à part entière.

Il faut dire qu’elle favoriserait l’entraide et la compréhension de l’autre, et qu’elle porte en elle l’espoir de construire une société moins violente et plus harmonieuse pour tous. La promesse est alléchante. Alors, que nous disent la science et la psychologie sur son origine chez nos enfants ?

Une multiplicité d'empathies

Première surprise : il n’y aurait pas une empathie, mais plusieurs niveaux d’empathie, qui se développeraient progressivement. Le psychiatre Serge Tisseron en distingue trois principaux :

  • L'empathie émotionnelle. C'est elle qui nous permet de reconnaître les émotions de l'autre, "Je vois que cette personne est triste, contente, en colère..."
  • L'empathie cognitive. Elle est déjà plus sophistiquée, car elle permet de comprendre l'état mental de l'autre, sans forcément le partager : "Je vois que cette personne est triste, et je suis capable d'expliquer les raisons de son état."
  • L'empathie mature. Elle est non seulement la capacité de comprendre l'état de l'autre, mais aussi de "se mettre émotionnellement à la place de l'autre", explique Serge Tisseron dans les pages de la revue L'École des parents.

Elle est déjà présente chez les bébés…

Imaginez un nourrisson qui se met à pleurer et contamine ses camarades, qui braillent à leur tour en cascade ! Si cette scène vous parle, c’est parce qu’elle est une belle illustration de l’empathie émotionnelle, celle qui consiste à identifier l’émotion de l’autre. Elle apparaît très tôt chez les bébés. Par effet miroir, les nourrissons sont submergés par l’émotion d’un de leurs congénères.

Plusieurs études montrent qu’après l’âge d’un an, les bébés interviennent parfois pour réconforter une personne en détresse, et qu’ils sont capables de comprendre le besoin de l’autre. En 2007, deux chercheurs du Max Planck Institute ont ainsi montré que des bébés de 14 mois étaient capables de venir spontanément en aide à une personne, en ramassant un objet que celle-ci venait de faire tomber : un feutre, une pince à linge, une balle en papier…

La sensibilité à la détresse des autres est présente dès l’âge de six mois

Une étude récente suggère que la sensibilité à la détresse des autres est présente dès l’âge de six mois. Savoir réagir aux signaux émotionnels serait en quelque sorte instinctif. Une prédisposition inscrite dans notre ADN. “L’empathie aurait émergé en rapport avec l’évolution des mammifères, il y a 180 millions d’années”, avance Jean Decety, professeur en neurosciences et spécialiste de l’empathie. Celle-ci aurait même apporté “un avantage adaptatif évident pour la survie de l’individu et du groupe social.

… mais elle s’étoffe en grandissant

L’être humain serait donc naturellement “câblé” pour éprouver de l’empathie. Mais alors, pourquoi ce talent se manifeste-t-il différemment selon les individus ? En 2018, une étude menée par l’université de Cambridge et l’Institut Pasteur a révélé que notre empathie est en partie génétique. “Les chercheurs ont montré que certains d'entre nous sont plus empathiques que d'autres” et “qu’au moins un dixième de cette variation est associée à des facteurs génétiques.

Mais vous nous voyez venir. Si la part d’inné est bien là, l’empathie se développerait aussi en fonction de notre parcours de vie ou de l’environnement social et affectif dans lequel on évolue. Toujours selon Serge Tisseron, décidément prolixe sur la question, l’empathie cognitive, qui nous donne la capacité de comprendre ce que ressent l’autre, se mettrait en place vers l’âge de 4 ans.

"L'empathie mature, qui nécessite un effort conscient important, peut difficilement apparaître avant l’âge de 8 ans."
Serge Tisseron, pyschiatre

Et l’empathie mature, qui permet de se mettre à la place de l’autre et de lui apporter une réponse adaptée ? Elle “nécessite un effort conscient important, et peut difficilement apparaître avant l’âge de 8 ans” ; un effort qui “s’installe d’autant mieux qu’il est encouragé et valorisé par l’environnement, du fait qu’il s’agit d’un processus intentionnel. Il semble enfin qu’il existe une fenêtre critique pour sa construction, entre 8 et 12 ans”, estime le psychiatre.

Des pistes pour l’encourager

Comme tous les dons, l’empathie serait donc à cultiver. On peut explorer plusieurs pistes - non exhaustives - pour aider son enfant à la développer :

  • L’élever en faisant nous-même preuve d’empathie au quotidien. Logique, non ?
  • L’ouvrir à la multiplicité des perspectives et des sensibilités. Ici, la fiction est une merveilleuse alliée : lire des livres et lui faire écouter des histoires sont des leviers privilégiés pour accéder à l’intériorité d’une multitude de personnages.
  • L’encourager à prendre conscience de ses propres émotions, et à mettre des mots dessus. Raconter donc, mais lui apprendre aussi à “se” raconter.
  • Sans oublier la mise en pratique : si votre enfant fait de la peine à quelqu’un, vous pouvez lui demander comment, lui, se sentirait à sa place. Et lui suggérer de demander à la personne heurtée : “Pardon. Qu’est-ce que je peux faire pour que tu te sentes mieux ?” De quoi lui donner des clés pour comprendre l’altérité, et pouvoir la prendre en considération.

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