Tech et enfance : comment trouver le bon dosage ?

Tech et enfance : comment trouver le bon dosage ?

En tant que parent, vous avez a priori connu un avant et un après internet. En revanche, pour vos enfants, les nouvelles technologies font partie du quotidien. Sont-ils pour autant voués à devenir des cyborgs asociaux ou de petits génies biberonnés au métaverse, parlant couramment le javascript ? Ni l’un, ni l’autre (ouf). Une petite mise à jour s’impose.

Si on vous dit “enfant” et “écran”, qu’imaginez-vous :

A. Un môme avachi, au regard vitreux, hypnotisé par un flot d’images ininterrompu ?
B. Un enfant éveillé, attentif et actif, concentré sur ce qu’il regarde ?

Il y a quelques années, la réponse aurait été sans appel (spoiler alert : réponse A) mais aujourd’hui, le constat est plus nuancé. Évidemment, la nécessité d'encadrer et limiter les écrans, surtout pour les plus petits, reste incontournable. Elle est justifiée, étayée par de nombreuses études - dont la plus récente n'est pas tout à fait rassurante - et soutenue par le CSA. Mais nos enfants, que nous le voulions ou non, vivent dans un monde où la technologie est omniprésente. Alors comment construire avec elle un rapport sain ? Et comment explorer le potentiel de la tech dans un contexte d’éveil et d’éducation ?

Tout est une question de dosage

La méfiance d’aujourd’hui vis-à-vis des nouvelles technologies s’apparente aux craintes d’hier à propos de la télévision, explique dans son Ted Talk l’experte en média pour enfants Sara Dewitt. Évidemment, laisser un petit seul devant la télé pendant des heures, sans contrôle sur ce qu’il regarde et sans aucune autre activité pour compenser sa sédentarité, peut avoir des effets délétères sur sa santé physique et mentale et sur sa capacité à communiquer (par le langage, par le dessin...). Même chose aujourd’hui avec la tech : quelques précautions s’imposent pour garantir que l’humain fait partie de l’équation et que la technologie ne remplace pas l’adulte, mais au contraire soutient l'interaction !

5 règles d’or pour une enfance tech-friendly
1. Restreindre l’utilisation d’appareils “tech” dans le temps et l’espace.
2. Vérifier l’utilité et la qualité du contenu que l'enfant regarde.
3. Accompagner l'enfant et cultiver l’interactivité, pour stimuler sa réflexion et la mise en récit de son expérience.
4. Garantir un environnement riche et varié incluant des jeux extérieurs, des activités physiques, collectives et créatives, et des temps calmes.
5. Ne pas réduire l’accès aux appareils “tech” en guise de punition.

Un relais de découverte...

Aujourd’hui, grâce à leur diversité de formats et leur caractère ludique, la plupart des outils tech offrent quand même un environnement d’éveil particulièrement convivial pour les petits. Bien employés, ils peuvent aussi permettre de véhiculer des savoirs de façon efficace.

Livres audio ou animés, jeux de rôles et interactivité : au service de la lecture, la tech peut par exemple faire des merveilles. Quand elles sont liées à la narration, les animations enrichissent l’histoire de façon multisensorielle et stimulante : le gazouillis des oiseaux qui résonne dans la chambre, les étoiles qui se projettent sur le plafond, etc. Les parents ne manquent d'ailleurs pas de créativité pour créer cette multisensorialité eux-mêmes, entre ceux qui mettent la musique du Roi Lion sur leur téléphone en même temps qu'ils lisent l'histoire et ceux qui apprennent à lire comme de vrais conteurs !

En revanche, les animations sans valeur ajoutée auront plutôt tendance à distraire l’enfant et à entraver sa lecture. Même si vos bouts de chou sont des super-héro‧ïne‧s, ils ne savent pas faire plusieurs choses en même temps. Il est donc crucial que les animations soient conçues intelligemment pour véritablement accompagner l’enfant. C’est ce que nous explique le Dr Albert Moukheiber, neuroscientifique et psychologue clinicien, quand il conseille Bugali pour la création des augmentations sonores des livres :

"Il faut veiller à ce que ce soit équilibré et que le but soit de donner vie aux personnages et à l'univers de l'histoire. Les augmentations doivent servir l'histoire. En particulier quand on s'adresse aux tout-petits, il ne faut pas ajouter des stimulations juste pour les stimuler. Il est aussi important que les interactions aient du sens, qu'il y ait une cohérence interne aux mondes que nous créons ! Il faut toujours respecter l'intelligence de l'enfant."

... et d'apprentissage

Les nouvelles technologies constituent aussi d’excellents portails vers d’autres sources de connaissances - ce que l’on a d’ailleurs pu apprécier pendant le confinement : concerts en ligne (oui “Baby Shark” pendant 8h, ça compte aussi), visites de musées immersives, applis de chasse au trésor pour découvrir le patrimoine, appels vidéos pour rester en contact avec nos proches et permettre aux plus petits d’échanger avec leurs grands-parents, cousins ou copains…

Pour le professeur Pierre Dillenbourg, pionnier de l'EdTech (c'est-à-dire des technologies éducatives), le maître mot est la complémentarité :

"Au siècle passé, on opposait le papier et le digital. Aujourd’hui, leur complémentarité enrichit la gamme des activités d’apprentissage. Au siècle passé, on pensait que, dans l’école du futur, les élèves seraient assis sagement derrière une forêt d’écrans. Aujourd’hui, le digital fait plus 'écran', justement. Pour ces enfants qui ont besoin de bouger, de travailler debout, allongé ou suspendu, le digital est présent mais il s’efface derrière les activités par lesquelles l’enfant se construit, développe ses connaissances et tisse ses liens sociaux."

Finalement, plutôt que de s’opposer aux canaux dits traditionnels, la tech en est devenue le meilleur relais. Alors, dans un monde toujours plus connecté, l’heure est moins à l'interdiction qu'à l’éducation, afin que les plus petits comprennent et apprivoisent la tech, pour ensuite y avoir un rapport sain et équilibré.

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📚 Sources

Le livre numérique comme outil d’apprentissage du langage et de la littératie pour les jeunes enfants”, Ofra Korat, Ora Segal-Drori, Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants, 2016.

Nouvelles technologies : frein ou soutien de la relation parent-enfant ?”, Marie Danet, Laurence Martel, Raphaële Miljkovitch, Dialogue, 2017.

Jeunes enfants et tablettes tactiles. Appareils pour apprendre ou appareils à apprendre ?”, Chenchen Liu, Jacques Audran, David Oget, Recherches en didactiques, 2019.

"Gérer les écrans: conseils pour les parents", Naître et grandir, juin 2019.

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